Il était large, profond, étroit, mouvant, modifié, stable, infernal, calme, enfoncé, intenable, enflammé, fixe, enlisé. Il durait, selon les destins, une seconde, une minute, un jour, une semaine, un mois, une saison, une année ou l'éternité… Il sentait, la terre chaude, les détritus, la soupe froide, les genêts, la poudre, les gaz, l'urine, le moisi, l'éther, la sueur, le pinard, la matière fécale, la fumée, le cadavre en décomposition, le jus, la brillantine, le cirage, le chocolat, le saindoux, le tabac, la paille mouillée et les lettres parfumées. Il était colorié en, bleu horizon, vert de gris, blanc de neige, rouge sang, gris crasse et noir deuil. On se le partageait avec, la peur, les poux, les rats, les corbeaux, les punaises, les mouches, les moustiques, les vivants, les morts, les épidémies, les barbelés, la faim, les pluies, les chevaux de frise, la dysenterie, la neige, la soif, les sacs de sable, la boue, le cafard, le gel, la poussière, les arbres déchiquetés, le vent du nord et les croix de bois. On y mourait, du feu, du fer, de l'eau, de l'air, de la terre, de la chimie, de la lumière, de l'obscurité, du froid, du chaud et aussi d'y avoir trop vécu. On y devenait, furieux, insensible, croyant, désespéré, amical, haineux, nerveux, désabusé, insouciant, dépressif, brave, blasé, déséquilibré, impitoyable. On en revenait, horrifié, bouleversé, traumatisé, honoré, anéanti, vieilli, grandi, tétanisé, décoré, blessé, mutilé, gazé et quelquefois alcoolique … |
Le front, sujet trop vaste pour cette modeste page et qui demanderait à lui seul tout un site, nous nous sommes juste appliqués à faire ressortir quelques facettes de la vie et de la mort des poilus sur cette " ligne extérieure présentée par une troupe en ordre de bataille " (définition du front donné par le dictionnaire Larousse) et de " la ligne des positions occupées face à l'ennemi " (définition du front donné par le dictionnaire Le Robert) Le front c'est d'abord la confrontation avec la mort ; elle pouvait être rapide ou lente, bruyante ou silencieuse, douloureuse ou insensible mais elle était toujours présente, avide et impitoyable. Les six- Voici d'après les textes le relevé des nombreuses causes de mortalité auxquelles ont été confrontés les soldats du 63e. La première cause de mortalité était due aux obus qui occasionnaient environ 70% des pertes. Ils étaient fusants, percutants, (à balles, explosif ou à gaz), ils y en avaient de tous les calibres de tous les poids (voir page : l'artillerie. On en mourait directement, explosions, éclats, souffle, ou indirectement, par des éclats qu'ils arrachaient à la terre, à la roche, au béton. Indirectement aussi, étouffé, enterré vivant par l'écroulement de l'abri ou de la tranchée qu'ils provoquaient. Le soldat n'était pas à l'abri non plus des tirs de son artillerie, mauvais réglages, tirs trop courts ou, tout simplement, méprises. On mourait aussi pulvérisé par les explosions des mines souterraines. On mourait par les balles de mitrailleuses, de fusils- On mourait des coups portés à l'aide d'une panoplie d'armes blanches telle que : baionnette, poignard de tranchée, couteau de boucher, coupe- On mourait, de maladie, telle que : pneumonie, angine, grippe espagnole (non seulement dans les tranchées mais aussi au repos dormant par les froids les plus rigoureux dans des granges ou abris non chauffés), par accident de route (chemin de fer, camion automobile etc. ...) et manutention malheureuse d'armes (grenade, etc.…) On mourait, par noyade en traversant des cours d'eau (le premier mort du 63e RI sera un soldat qui s'est noyé en faisant boire les chevaux dans un cours d'eau le 16 août 1914) On mourait aussi parfois de cette mort qui ne s'avoue pas, de cette mort qui ne laisse de trace que dans les mémoires, la plus cruelle pour les familles et que l'on désignait par ces quelques mots laconiques au bas d'une feuille froissée " porté disparu " . Disparu au cours d'un assaut, d'une corvée de ravitaillement, d'un bombardement, d'une patrouille ou d'un coup de main, disparu dans les lignes adverses, disparu corps et âme, rayé du monde des vivants sans faire encore partie de celui des morts. La nourriture la nourriture a été avec la correspondance, un facteur primordial pour le moral du poilu, bien que quand ils tenaient les tranchées, elle était rarement équilibrée (en juillet 1917 les soldats seront émerveillés de pouvoir manger une salade en première ligne, un événement tellement exceptionnel qu'ils ne peuvent s'empêcher de le signaler), souvent insuffisante et presque toujours consommée froide car souvent, au cours des corvées, il fallait des sommes d'efforts et de prodiges pour transporter, sous la mitraille, la nourriture jusqu'en première ligne Voici une liste d'aliments et de boissons qui reviennent les plus souvent dans les textes :
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La correspondance Ces lettres qui les soutenaient pendant les cafards trop noirs et les heures trop longues, écrire et lire pour s'évader le temps d'un instant loin de la boue loin de la mort. Etre rassuré par la lettre que l'on reçoit et par celle que l'on envoie, même si l'on triche souvent avec la vérité en inventant une guerre de routine, supportable, sans trop de risques et exempte de sang, inutile d'en rajouter à l'inquiétude et à l'angoisse des personnes que l'on aime et puis il ne faut pas oublier non plus que la censure était rapide à faire des coupes sombres dans tout ce qui n'était pas politiquement , patriotiquement et militairement correct.. |
Les repos Vu dans les conditions où ils les prenaient, il ne semble pas que le principal souci de l'état major soit d'avoir été le bien- Ces conditions déplorables devaient faire que même, loin des combats les heures à passer à chercher le sommeil dans un froid glacial devaient être physiquement et psychologiquement extrêmement éprouvantes et guère propices au repos réparateur que l'on aurait cru être légitimement dû au soldat après ce qu'il avait vécu en première ligne. En quatre ans de guerre rares ont dû être les fois où le poilu du 63e a pu coucher au chaud dans des draps blancs. |
Les relèves Pendant la guerre de position, les relèves s'effectuent comme suit : on passe de la première ligne en repos, du repos en réserve et de la réserve en première ligne selon des périodes déterminées qui subiront des modifications au cours des quatre ans de conflit. En décembre 1914 le rythme des relèves au régiment, est de trois jours aux tranchées et trois jours en repos. En décembre 1916 elles se décomposent de la sorte : Dix jours de tranchées, six de repos, sept de tranchées, cinq de repos, huit de tranchées, huit de repos. |